La colère de Dieu

la colère de dieu jean noel couverture livre

Format : 15,2 x 22,9 cm | Pages : 358 pages | Parution : décembre 2021 | ISBN : 978-2-35523-557-3

Étrange titre, peut-être trop présomptueux pour un polar « métaphysique » ?

Qu’on ne s’y trompe pas, je fais la part des choses, si l’on parle de Dieu, on rate toujours quelque chose, c’est encore affaire humaine.

Quand on parle de Dieu, finalement, et en l’occurrence de sa colère, on ne peut se référer qu’aux Textes révélés qui nous traversent (que l’on soit athée ou pas) depuis 2000 ans pour les Chrétiens, depuis 1400 ans pour les Musulmans... Et on voyage, à la manière de ce philosophe quelque peu cynique et déjanté, German  Sokolsky entre Bruxelles, Londres et Ouarzazate... Ou encore comme ce héros tragique, médium très puissant, Silas, au travers des 22 lames majeures du tarot de Marseille ou encore comme ce jésuite alcoolique au passé libertin, Jorge, qui interroge la tradition qui l’habite depuis le début de son sacerdoce, qui décortique, questionne et critique férocement l’Eglise catholique et apostolique dont il se dit encore le représentant.

La colère, est-ce  cette monstrueuse  pulsion de mort qui emporte l’ennemi n°1, Louis Wexler, meurtrier insaisissable qui fait l’objet d’une course sans répit de notre super flic flamand, Grégoire Dekeyser ?

Un début de réponse, peut-être ?

Silas et sa compagne discutent avec le jésuite Jorge  Del Hierro sur la Grand Place de Bruxelles, en buvant une trappiste sur une terrasse ensoleillée...  Silas, justement, interroge son vis-à-vis sur la colère et celui-ci répond :

« — Vous savez, c’est pour cela que je me suis déplacé. Mes faibles ressources spirituelles peuvent peut-être vous aiguiller. Avec ma tradition chrétienne, la colère n’apparaît qu’une seule fois dans les Évangiles. C’est à l’adresse des marchands du temple. Je connais par cœur la citation de l’Évangile de Saint Jean : Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs. Il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce .

Vous voyez le temple de nos jours…

— C’est le monde, complète Silas. Ils font du monde et de tout ce qui le compose des marchandises, hommes et femmes compris.

José acquiesce doucement. Silas le regarde dans les yeux. Un feu de colère pétrifie ses traits, tel le visage d’airain d’un antique dieu guerrier. »

Extrait du roman

Peintre Goya. Saturne dévorant ses enfants.

Une vingtaine de clichés jonchent le bureau de Grégoire Dekeyser. Le commissaire a envie d’une clope. Il jette un œil par la fenêtre et contemple pendant un court instant le dôme du Palais de justice qui jouxte le commissariat de la police fédérale. Les toits d’Ixelles et de Saint-Gilles prennent mille teintes automnales sous la lumière du soleil glacial de décembre. Il est quelque peu agacé. La mobilisation générale pour la traque des terroristes de Paris ne lui a même pas permis de visiter la scène de crime. Il est contraint de superviser des dizaines de perquisitions et de rapporter directement les conclusions aux magistrats instru

cteurs. Les affaires de terrorisme emportent à présent le grand banditisme autant que son département. Tout le monde est sur la brèche. C’est un état de guerre. Les malades mentaux qui découpent leurs victimes en morceaux sont à présent sous la pile de dossiers. Il appelle Cricx pour s’en fumer une au rez-de-chaussée. Les pauses clopes sont un moyen très utile pour un chef de service d’écouter les bruits de couloirs. Les non-fumeurs arguent que c’est une perte de temps, alors que le mouvement et la liberté de bouger font naître de bonnes idées au détour de conversations cordiales entre fumeurs qui ressentent l’un pour l’autre une certaine loyauté.

La cour du rez-de-chaussée dispose en son centre d’un énorme marronnier. Un épais tapis de feuilles jaunes et rouges recouvre le sol de pavés gris. L’air humide et froid l’incite à avaler profondément la fumée âcre et chaude de sa Marlboro. Cricx fume un cigarillo. Bien que sous-officier, il aime se donner un petit genre aristo. Grégoire Dekeyser lit en diagonale le compte-rendu de la déposition de l’affaire qui les occupe.

— Dans l’appartement d’Uccle, il y avait des sculptures et des peintures qui valaient une fortune. Il y avait même une esquisse de Modigliani. C’est bizarre que le tueur n’ait rien pris, commente Cricx.

— Vous vous intéressez à l’art, Inspecteur ?

— On peut dire ça. Je peins.

— Vous peignez ?

— Oui. Pointillisme, impressionnisme.

— Oh ! s’exclame le commissaire, incrédule, en le dévisageant.

— Et puis j’ai remarqué un truc.

— Oui ?

— Un mur du salon était vide, alors qu’un clou laissait supposer qu’un tableau s’y trouvait. Récemment, en plus, parce que l’ombre faite de micro-poussières collées au mur ne correspondait pas à l’emplacement du tableau enlevé.

— Je ne comprends pas.

— Nous avons retrouvé dans la cave du bâtiment un tableau d’un petit maître flamand qui correspondait exactement aux traces laissées sur le mur, ce qui signifie que cette œuvre a été retirée pour en mettre une autre. Un grand tableau, parce que le clou récemment planté pouvait supporter un poids autrement plus lourd que celui de l’artiste flamand.

— Je suis impressionné, Cricx. Vraiment. Non seulement, parce que vous peignez, mais aussi que vous remarquiez ce genre de détail. Ce qui veut dire que l’on tient peut-être l’objet de la transaction d’un montant de cent cinquante mille euros entre le tueur et le couple d’Ucclois qui s’appelle…

— Marie-Chantal et Georges Criquellion. Ce qui m’a amené à trier toutes les transactions de ces derniers mois en matière de peinture dans la région. Je n’ai rien trouvé à Bruxelles, ni dans le Brabant, ni encore en Belgique. Il a fallu aller plus loin. C’est à Lille que l’on a retrouvé le nom de Criquellion, chez un commissaire-priseur, pour l’acquisition d’un bien du musée de Lille : l’œuvre d’un pompier.

— Qu’est-ce que les pompiers ont à voir là-dedans ? Cricx, je bent een beetje obscuur… 

— Vous n’y êtes pas, chef. L’art pompier, c’est un mouvement d’art du XIXe siècle. Les impressionnistes s’en sont beaucoup moqués parce qu’il correspond à une technique très académique de la peinture. L’œuvre est le fruit d’un certain Carolus-Duran, un maître assez apprécié en son temps.

— Bravo, Cricx ! C’est pour ça que je vous ai choisi comme adjoint. Je sentais bien que vous étiez plutôt bon en histoire de l’art, ajoute Grégoire ironique.

— Merci, chef. Quant à la dernière transaction des Criquellion, on a juste trouvé un message dans leur boîte mail venant d’un certain « Saturne 1819 » qui invite le couple à passer sur Telegram pour une transaction. Impossible de tracer le message, évidemment. Il vient d’une adresse cryptée.

— « Saturne1819 ». Ça vous dit quelque chose ?

— J’ai cherché et je suis tombé sur une peinture de Goya qui datait de 1819 et qui représente le dieu Saturne dévorant l’un de ses fils.

Cricx sort son smartphone et exhibe l’image du Goya.

— Si l’image de Saturne correspond à celle de notre homme, cela ne présage rien de bon.

Grégoire écrase sa cigarette, puis il lance à son adjoint :

— J’ai encore une réunion cette après-midi avec la cellule antiterroriste, mais continuez sur votre lancée. Vous êtes bon, Cricx. Heureusement que je vous ai ! Vous êtes vraiment bon.

On parle de La colère de Dieu dans la presse

L’auteur de ce premier roman, « La colère de Dieu », Jean Noël (Editions Jets d’Encre), est un philosophe. C’est d’ailleurs lui qui a créé les « Cafés philosophiques de Belgique ». Nous découvrons avec bonheur dans cet ouvrage un regard profond et amoureux sur Bruxelles. On suit une intrigue très réaliste dans le contexte de notre vie actuelle. On y aborde la religion, le mal, le vivre-ensemble. Comme il s’agit de médium, les chapitres ne sont pas numérotés mais indiqués, pour la première partie, en cartes du Tarot : Le Bateleur, la Papesse, l’Impératrice, etc. L’écriture est vivante et le récit vraiment passionnant.

Jacques Mercier

Journaliste à la RTBF, Blog personnel

Jean Noel Philosophe

À propos de Jean Noël

Je suis philosophe (Louvain), j'ai 56 ans, vis à Bruxelles, suis issu d'une mère française et d'un père liègeois. J'ai créé en 1996 les Cafés philo de Belgique. En son temps, j'ai joui d'une réputation locale en lançant des espaces de parole philosophique au bénéfice exclusif des citoyens dans tout Bruxelles (Cercle de la rue Sainte, Halles Saint Gery, Cercle des voyageurs, etc. et à présent au Carpe Diem d'Etterbeek) et en animant à Paris au Café des Phares.